Cet article a été rédigé par Olivier Degrenne, qui travaille dans le département des sciences du sport à l'Université Paris-Est Créteil.

L’analyse de la performance est un courant scientifique qui vise à identifier les facteurs menant à la performance. Il s’agit d’une approche multidisciplinaire qui cherche à optimiser la performance sportive ou tout au moins, à mieux la comprendre. Pour beaucoup de non-initiés, l’analyse de la performance se résume à l’analyse statistique du jeu. Selon Hughes et Bartlett (2002), l’analyse de la performance serait l’association de l’analyse biomécanique et de la « Notational Analysis* ». Il s’agit d’identifier et d’analyser les rouages qui participent à la réalisation d’une performance sportive. Dans le cadre de cet article, nous focaliserons notre attention sur l’analyse du jeu.

L’analyse du jeu, un champ scientifique déjà bien identifié

Lorsque l’on s’intéresse à ce courant, il semble inévitable de s’imprégner des multiples publications produites par les chercheurs anglo-saxons sur le sujet. Dans l’un de ses ouvrages, le chercheur Peter O’Donoghue (2010) relève plusieurs champs d’intervention de l’observation dans le cadre du sport :

Analyse des déplacements (« Time-motion analysis »)

Cette approche se concentre sur l'étude des différents mouvements effectués par un athlète au cours d'un match ou d'une séance d'entraînement. Des données sont collectées pour déterminer les types de mouvements, les zones d'action ou les intensités des déplacements produits pendant la pratique. Cette étude est souvent réalisée à l'aide de logiciels spécialisés et peut être associée à des donnéesGPS, des données de tracking ou des moniteurs de fréquence cardiaque.

 

L’analyse tactique (« Tactical Analysis »)

Ce registre est généralement utilisé dans le cadre d’analyse de jeu a postériori. L’analyse tactique peut être effectuée sur sa propre équipe (ou athlète) ou sur l’adversaire dans le but de déterminer les failles et éventuellement d’établir un plan de jeu. Elle cherche donc à identifier les grandes tendances de jeu, les enchaînements (d’actions techniques ou de déplacements) programmés afin de les optimiser ou de les déjouer. Cette approche est parfois mise en relation avec l’issue de l’action, dans le but d’apporter une valeur qualitative à l’analyse.

 

L’analyse de la prise de décision

Dans son ouvrage, O’Donoghue explique que l’analyse de la prise de décision s’axe à la fois sur les choix effectués en cours de jeu par les joueurs, mais également par les arbitres. Il s’agit alors de mieux comprendre ce qui mène les acteurs du jeu à prendre certaines décisions et de tendre à identifier des schémas récurrents (patterns).

 

L’analyse technique (« Technical Analysis »)

L’analyse technique s’intéresse à la fois à l’aspect biomécanique de l’exécution d’un geste technique ou plus généralement à comparer l’efficacité d’une action par rapport à une autre. Elle a pour but de déterminer le geste optimal pour mener l’athlète à la performance. Elle peut également être utilisée dans le cadre d’un retour de blessure en s’intéressant particulièrement à l’évolution de l’athlète dans la réalisation d’un geste au cours de sa convalescence. Nous nous rapprochons ici d’une recherche du « bon » geste, prenant alors souvent le champion comme référence.

 

L’analyse de l’efficacité (« Analysis of Effectiveness »)

Cette approche est finalement une mise en perspective des critères d’analyse avec le résultat de l’action, du point ou même du match. Elle peut donc s’associer à chacun des domaines d’analyse évoqués précédemment. La majorité des études menées en analyse de performance, cherche à identifier les indicateurs les plus en lien avec la performance. Dans ces études, cet indicateur est généralement appelé « Indicateur de Performance ».

Les indicateurs de la performance

Pour analyser les pratiques sportives, il est nécessaire de définir ce que l’on veut observer. Une fois que l’objet d’étude a été défini, il faut alors déterminer les indicateurs sur lesquels il va falloir poser le regard. Un indicateur correspond à un élément remarquable du jeu, qui fournit de l’information à l’observateur. Une fois définis, il faut identifier les critères qui vont permettre de qualifier cet indicateur. Enfin, pour que les résultats de l’observation puissent être intelligibles, il est important que ces observables fassent sens pour l’ensemble des personnes visées. La définition des indices pour analyser le jeu est devenue un enjeu important dans la recherche en analyse de la performance. Au début des années 2000, un concept semble faire consensus au sein de la communauté de ce domaine. Il s’agit des « indicateurs de la performance ». Ce concept, développé par Hughes et Bartlett (2002), est défini comme « une sélection ou une combinaison de variables d’action visant à définir la performance d’un ou plusieurs aspects du jeu » (p. 739).

Selon les auteurs, il existe deux types d’indicateurs de performance. Les indicateurs de « points marqués » qui vont indiquer le nombre de buts ou de points marqués, et les indicateurs qualitatifs de la performance, qui vont quantifier le nombre d’occurrences pour un type d’action donné, telles que les passes ou les plaquages réalisés. Ces indicateurs peuvent être issus de la littérature scientifique ou spécifique, mais ils peuvent aussi être définis par le chercheur ou l’analyste lui-même.

Dans ce cas, ils doivent respecter certaines règles pour pouvoir être considérés comme des indicateurs fiables. En effet, O’Donoghue (2015) définit quatre règles qui différencient l’indicateur de performance des autres variables d’analyse :

- Il doit représenter un aspect validé et important du sport analysé.
- Il doit permettre un processus de mesure objectif.
- Son échelle de mesure doit être est connue.
- Il doit exister un moyen d’interpréter la valeur de cet indicateur.


Le fait de développer un processus de mesure objectif pour un indicateur de performance permet d’éviter les disparités de résultats liées au changement d’observateur. Il s’agit alors de préciser le plus finement possible les critères qui définissent l’indicateur dans le but de limiter les différences d’appréciations par les différents analystes.

Les indicateurs clés de la performance (KPI)

La notion d’indicateur clé de la performance est régulièrement utilisée dans le cadre des études cherchant à déterminer des profils de performance (Hughes et al., 2001 ; James et al., 2005). Sur les terrains, ils sont également cités par les analystes, les entraîneurs voire les recruteurs comme éléments clés à observer dans le cadre d’une pratique ou d’un contexte précis du jeu (situation d’attaque placée au football, sortie de ruck au rugby ou comme facteur prépondérant de la performance à un poste donné pour le recrutement d’un joueur).

Il s’agirait d’un regroupement par secteurs de jeu de plusieurs indicateurs de performance (O’Donoghue, 2015). Selon Hughes et al. (2001), il s’agirait d’indicateurs de performance possédant un fort pouvoir prédictif sur la performance finale.<br>

L’analyse vidéo sur le terrain, mode d’emploi

L’analyse vidéo prend une place de plus en plus importante dans le quotidien des staffs de haut-niveau mais pas seulement. En effet, grâce à l’évolution des formations fédérales, les milieux amateurs s’y adonnent de plus en plus dans une recherche d’optimisation des performances de leurs athlètes. L’ouverture du marché et l’augmentation du nombre de logiciels d’analyse et d’outil de captation vidéo ont entrainé un accès plus facile et moins cher à cet outil. La limite de ce processus est que l’on arrive progressivement à une forme de course à l’armement dans lesquelles les structures vont chercher à s’équiper au moins, aussi bien que leurs concurrents sans forcément être en capacité d’utiliser ces outils. En effet, l’outil vidéo, aussi performant soit-il, reste une partie extrêmement chronophage de l’entraînement. Par ailleurs, il nécessite une certaine maîtrise des outils d’analyse et un ancrage dans la démarche globale d’entraînement afin de ne pas servir simplement d’artifice. Nous allons tenter de faire un état des différentes modalités d’utilisation de la vidéo pour améliorer la performance des athlètes.

La vidéo avant l’entraînement

L’utilisation de la vidéo avant l’entraînement permet de centrer l’attention des joueurs, sur les éléments sur lesquels ils vont devoir focaliser leur attention. Que ce soit sur l’organisation tactique qui va être travaillée, sur un élément technique qui sera développé …, l’outil vidéo permettra au joueur de concentrer ses efforts sur des éléments précis et en accord avec les critères de réalisations fixés par l’entraîneur.


La vidéo pendant l’entraînement

La vidéo en cours d’entraînement va permettre à l’entraîneur d’apporter des feedbacks plus précis à ses joueurs. Pour cela, il pourra utiliser la méthode classique de « l’arrêt flash » pour corriger un élément précis du jeu en étayant son discours avec les images. Il peut également structurer son entraînement autour d’une méthodologie appelée « autoscopie » qui va permettre au joueur de se voir agir tout de suite après son action et d’associer son ressenti à la réalité de ce qu’il fait.


La vidéo après l’entraînement

Moins utilisé au niveau amateur, le débriefing vidéo des entraînements va permettre d’évaluer les performances des joueurs, mais également de recentrer leur souvenir de la séance sur les attentes du staff.


La vidéo avant le match/la compétition

La vidéo d’avant-match ou d’avant compétition est le plus souvent connotée « sport collectif » avec pour objectif de focaliser l’attention des joueurs sur les tendances de jeu des adversaires. En effet, on a tendance à dire qu’on ne va pas apprendre à effectuer un geste technique avant le match, ainsi l’ancrage utilisé est le plus souvent stratégico-tactique. Mais même dans ce registre, il faut garder à l’esprit que les joueurs ne peuvent pas retenir trop d’informations avant le match. L’ancrage vidéo va donc permettre essentiellement d’appuyer les éléments de discours pré-compétition de l’entraîneur avec des images.


La vidéo pendant le match/la compétition

En cours de jeu, dans les sports qui l’autorisent (règlementairement) et qui le permettent (d’un point de vue organisationnel), la vidéo va permettre d’aider l’athlète à mieux comprendre certaines situations clés qui ont eu lieu afin qu’il puisse plus facilement trouver les bonnes solutions tactiques à mettre en œuvre pour y répondre si elles se représentent.


La vidéo après le match/la compétition

Dans une logique de débriefing, la vidéo post match ou post-compétition permettra de faire un bilan sur les points positifs et négatifs qui ont été relevés et d’orienter les futures séances d’entraînement en réponse à cela.


La vidéo en dehors des temps de terrain

La vidéo en dehors des temps de terrain va permettre de travailler avec différents éléments. Tout d’abord, lorsqu’on intervient auprès de publics jeunes, elle va permettre de développer la connaissance de la pratique afin d’affiner la lecture et la compréhension des différentes situations de jeu. Elle permettra également à l’entraîneur d’associer des éléments d’images avec la sémantique spécifique à sa pratique afin d’améliorer la compréhension du discours de l’entraîneur. Enfin d’un point de vue collectif, les temps de vidéo décontextualisés vont permettre aux joueurs d’améliorer leur lecture commune des situations de jeu afin d’optimiser leur chance d’avoir d’y apporter une réponse collective adaptée.

Conclusion

Cette première partie a été l’occasion d’initier une discussion autour de l’analyse vidéo et de ces différents champs d’intervention. Nous avons rappelé l’importance d’identifier des indicateurs de performance consensuels afin d’augmenter la portée des analyses de jeu. Enfin, nous avons fait un état des différents moments pendant lesquels la vidéo peut être utilisée. Dans un prochain article, nous vous proposerons une étude de cas d’une analyse de jeu en nous appuyant sur un logiciel d’analyse vidéo accessible aux clubs amateurs.

Pour les personnes intéressées par l'analyse vidéo, notre formule de base est une excellente option.

Vous pouvez lire un deuxième article d'Olivier ici : Observer les pratiques sportives grâce à des logiciels d’analyse vidéo

Références :

1. Bartlett, R. (2001). Performance analysis : can bringing together biomechanics and notational analysis benefit coaches ? International Journal of Performance Analysis in Sport, 1(1), 122-126.

2. Degrenne, O. (2019). Caractérisation des évolutions de jeu en volley-ball de haut-niveau : Étude comparative de trois compétitions internationales (Doctoral dissertation,Université Paris-Est).

3. Hughes, M. D. et Bartlett, R. M. (2002). The use of performance indicators in performance analysis. Journal of sports sciences, 20(10),739-754.

4. Hughes, M., Evans, S., & Wells, J. (2001). Establishing normative profiles in performance analysis. International Journal of Performance Analysis in Sport, 1(1), 1-26.

5. James, N., Mellalieu, S. et Jones, N. (2005). The development of position-specific performance indicators in professional rugby union. Journal of sports sciences, 23(1), 63-72.

6. O'Donoghue, P. G.(2010). Research Methods for Sports Performance Analysis, London, UK: Routledge.

7. O'Donoghue, P. G.(2015) An Introduction to Performance Analysis of Sport, London: Routledge.